Personnellement j’adore l’histoire et encore plus celle qui décrit de grandes personnalités de notre milieu équestre. C’est pourquoi j’ai décidé d’incorporer dans mes articles un peu de l’histoire des gens qui ont marqués l’évolution de l’équitation western. Je débute avec les grands qui ont introduits cette culture en France.
Je suis très heureuse de ma collaboration avec Émilie Sureau, historienne, qui a bien voulu nous faire part de ses recherches sur ce sujet.
J’espère que vous apprécierez autant que moi de connaitre l’histoire de gens qui ont ouvert leur horizon et leur coeur au monde des chevaux, des indiens, des cowboys…ils ont voulu partagé les valeurs, les coutumes, les idéaux, bref tout ce qui marque la culture d’un peuple.
Nous enchaînons avec le deuxième article d’Émilie.
Lyne Laforme
Après un premier article sur Joe Hamman, voici un second article sur Paul Coze.
En plus d’être un ami de Joe Hamman, il est sans aucun doute « le fondateur de l’indianisme » en France. Or ce mouvement sera très longtemps indissociable de la culture western française.
Né en 1903 à Beyrouth au Liban, Paul COZE est à la fois peintre, illustrateur, portraitiste, ethnologue, écrivain et surtout un indianiste. Tout au long de sa vie, il ne cessera de mener des recherches sur les tribus indiennes de l’Amérique du Nord.
En 1912, son père, ingénieur, est en poste en Egypte, Paul découvre le scoutisme avec son frère Marcel. Contraints de fuir le pays avec le début de la Première Guerre mondiale, les Coze rentrent en France. En 1915, il fonde deux patrouilles d’éclaireurs à Agay dans le Var : « mon frère et moi avions des uniformes d’Egypte, les autres garçons n’avaient pas d’uniformes, seulement quelques accessoires et leur bâton. Nos principales activités en dehors des jeux étaient les exercices de piste, de signalisation, morse ou sémaphore : mon frère et moi avions le badge de secourisme ».
Passionné par le scoutisme, il fréquente assidument la Grande Maison à Paris, le magasin officiel des associations existantes (Les Eclaireurs de France, les Eclaireurs unionistes…). Un jour, il demande à sa mère : « Maman, s’il y avait des scouts catholiques est-ce que je pourrais en faire partie ? ». Sa mère répond : « Oui, mais il n’y en a pas. » Il réplique : « on peut essayer d’en faire. Me donnes-tu l’autorisation ? ». « Oui mais comment feras-tu ? ». Il n’en fallait pas davantage à Paul. Rapidement, il en parle à l’abbé Cornette, de l’Eglise Saint-Honoré d’Eylau qui lui donne son accord pour fonder une première troupe. Les garçons se réunissent tous les jours sur l’avenue du Bois où ils organisent des exercices, des jeux et prennent le nom d’ « Entraineurs ». Devant l’enthousiasme des jeunes garçons, l’Abbé Cornette comprend alors tout l’intérêt de ce mouvement et officialise le groupe. C’est ainsi que le 2 octobre 1916 naissent les premières troupes Saint-Louis. Puis rapidement rejointe par d’autres groupes, la Fédération des Scouts de France est lancée en 1920 dans laquelle Paul Coze occupera plusieurs responsabilités.
Cette même année, lors d’un camp à Compiègne, il fait la connaissance d’un Peau-Rouge, instructeur d’une patrouille scoute américaine. Cette rencontre déclenche chez lui une passion dévorante pour la culture amérindienne, la spiritualité, les chants, les danses… Etudiant à l’école nationale des Arts Décoratifs, il va souvent au cirque, nombreux dans Paris à cette époque, et fait la connaissance d’OSKOMON, un indien qui joue dans un spectacle équestre. Avec ce dernier, il apprend les chants, les danses traditionnelles et réalise une véritable coiffure indienne, notamment grâce à un stock de véritables plumes abandonné par Buffalo Bill après son spectacle le Wild West Show en 1905.
En 1923, il découvre l’extermination indienne dans les articles de René Thévenin. Il contacte l’auteur et lui propose d’écrire un ouvrage ensemble. En 1928, Mœurs et histoire de Peaux-Rouges est publié et plébiscité par l’Académie Française.
Grâce au succès de son livre, il est invité au Canada pour étudier les indiens d’Amérique du Nord. Tout d’abord déçu par la 1ère tribu qu’il rencontre et qu’il trouve trop occidentalisée, il réussit ensuite à établir des contacts avec des sioux et dessine plusieurs portraits. Ce voyage est décrit dans un livre l’année suivante : Wakanda (« grand esprit » en sioux).
Il fonde la même année, en 1929, le Cercle d’études Wakanda qui deviendra en janvier 1934 Wakanda, le Cercle d’art et d’études Peaux-Rouges, le premier groupement indianiste français jusqu’à sa dissolution en 1939.
Les objectifs du Cercle Wakanda sont la connaissance par l’étude, la diffusion et la promotion de la culture des Amérindiens de l’Amérique du Nord. Paul Coze et son ami, Maurice G. Dérumaux, animent ce cercle durant 10 ans et organisent toutes sortes d’activités : spectacles, récitals, lectures, éditions de textes et récits amérindiens, rassemblements réguliers, etc.
Le cercle est rattaché au musée d’Ethnographie du Trocadéro dont Paul RIVET est le conservateur. En plus de ses activités, le club organise des spectacles sur la culture indienne, notamment grâce à sa rencontre avec OSKOMON.
En 1930, RIVET lui confie une mission ethnographique au Canada. Entouré de quatre scouts (médecin, botaniste, historien et photographe), Paul COZE s’installe dans une tribu CREE. Les relations qu’il entretient avec le chef de tribu ne sont plus seulement scientifiques mais basées sur la philosophie indienne et le partage humain.
En 1931, le musée du Trocadéro organise une exposition pour valoriser son travail et exposer les pièces rapportées de la mission : Peaux-Rouges d’hier et d’aujourd’hui.
L’année suivante, il publie Cinq Scouts chez les Peaux Rouges pour raconter ce voyage.
La même année, Paul Coze relance également le Club du Lasso, dont la première version avait été initiée par Joe Hamman en 1908. Les membres du club se retrouvent fréquemment au bois de Boulogne, un espace vaste qui permet de s’entraîner plus aisément. Diverses activités sont organisées par le club :
Entre 1933 et 1938, il effectue plusieurs séjours en Arizona et au Nouveau Mexique et encourage les populations indiennes à développer leurs pratiques artistiques. En 1934, il organise au musée du Trocadéro une seconde exposition cette fois davantage orientée vers les arts indiens : Art Peau-Rouge aujourd’hui, puis donne régulièrement des conférences sur la culture indienne.
En 1935, il raconte son 3e voyage dans un livre intitulé Quatre feux. Il rapporte également des photographies, des films et enregistrements sonores.
Finalement en 1938, il s’installe définitivement aux Etats-Unis et passe beaucoup de temps parmi les tribus indiennes pour étudier leur mythologie. De 1942 à 1952, il préside le festival de danses indiennes de Flagstaff et œuvre pour la préservation et la diffusion des traditions pour ne pas qu’elles deviennent des mascarades commerciales pour touristes.
En 1952, alors qu’il vit en Arizona dans une réserve indienne, il est nommé Consul honoraire de France. Il continue de peindre et d’illustrer des ouvrages, de réaliser des fresques sur les indiens pour l’état ou d’autres institutions. Il ne reviendra que très peu de fois en France.
Il meurt en 1974, la même année que Joe HAMMAN, à Phoenix où il est inhumé. Ce que nous retiendrons de Paul COZE c’est son infatigable rigueur pour valoriser la culture et l’art indien. Il est sans aucun doute, le « père » des mouvements indianistes qui ont suivi dans les années 60 : tels que l’amerindian club de Lyon, le cercle Peau-Rouge Huntka présidé par Serge Parquet et tant d’autres encore qui poursuivent leurs activités aujourd’hui…
Titulaire d’une thèse de doctorat en histoire et spécialisée dans l’étude du patrimoine, je suis passionnée par la recherche sur l’héritage des sociétés. Actuellement, je suis enseignante en lettres-histoire dans un lycée public près de Perpignan dans le Sud de la France.
Après dix ans d’équitation classique, j’ai découvert l’équitation western il y a environ huit ans. Je me suis immédiatement intéressée à cette équitation qui a une approche différente, en particulier pour le travail du bétail.
Ma curiosité d’historienne associée à ce vif intérêt pour le milieu western m’ont conduit a effectué des recherches sur l’arrivée de ce mouvement en France.